Abidjan accueille son premier festival du cirque
Perchés à 30 mètres de haut, sur une sangle tendue entre deux tours d’Abidjan, des funambules exécutent des figures à la nuit tombée. En bas, les spectateurs poussent des exclamations.
Les premières Rencontres interculturelles du cirque d’Abidjan (RICA) ont débuté jeudi soir avec cette performance spectaculaire de la troupe Ca Slack Houle Douce.
De jeudi à dimanche, six compagnies de France, du Canada et du Sénégal, ainsi que deux troupes ivoiriennes, animent ce premier festival de cirque jamais organisé en Côte d’Ivoire, qui se déroule à l’Institut français d’Abidjan.
Acrobatie, voltige, danse, jonglage, magie, cirque burlesque.. toutes les facette du « nouveau cirque » vont être présentées au public ivoirien. Qui pourra aussi danser chaque soir dans des bals à thème de chaque pays représenté.
« Il n’existe pas de cirque en tant que tel en Côte d’Ivoire, mais chez beaucoup d’artistes, dans beaucoup de spectacles, comme la danse qui est souvent acrobatique, on s’en rapproche », explique l’organisatrice des RICA, Chantal Djedje.
« Les danses traditionnelles avec portée d’enfants, les pyramides, ou encore les spectacles de marionnettes géantes ivoiriennes, ça ne s’appelle pas du cirque, mais c’est du cirque », affirme cette Franco-Ivoirienne de 49 ans.
« J’espère que ce festival va motiver les artistes ivoiriens à créer des spectacles de cirque. Et peut-être encourager la création d’une formation au cirque à l’école des arts ivoirienne », l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle, lance Mme Djedje.
Au-delà du spectacle, les disciplines artistiques, dont le cirque, peuvent devenir « un ascenseur social » pour les enfants qui n’ont pas accès à l’éducation, souligne-t-elle.
-Dimension éducative –
Se définissant comme une entrepreneure culturelle, Mme Djedje a déjà fondé la Fabrique Culturelle à Abidjan, un lieu d’échanges artistiques permanent, qui fait régulièrement intervenir des artistes dans les écoles des quartiers populaires.
Une dimension éducative également présente dans les RICA.
Arrivée quelques jours avant le début du festival, la troupe franco-américaine Cirk Biz’Art est partie dans les écoles, pour y présenter des numéros d’acrobatie et de jonglage.
« Ca a vraiment été un beau moment, de joie, de jeu avec les enfants », raconte Laurie Roger, circassienne de 28 ans.
« Dans une classe, un professeur nous a dit après coup qu’il y avait deux enfants autistes. On ne s’en était pas rendu compte: les enfants se révèlent avec l’art », renchérit Rémy Bombled, 30 ans.
Modou Toure, 28 ans, de la troupe sénégalaise Sen Cirk -la seule de son pays-, confie qu’il a lui même été un enfant des rues et qu’il s’en est sorti grâce au cirque.
« Ca m’a donné une vie! Maintenant je veux partager avec les autres enfants, leur montrer qu’on peut y arriver », s’exclame-t-il.
Sen Cirk, qui compte 13 artistes, intervient régulièrement dans des centres d’accueil d’enfants et des hôpitaux au Sénégal, et a monté une école de réinsertion professionnelle, qui accueille une trentaine d’élèves.
Pour Chantal Djedje, organiser ce festival a relevé du numéro d’équilibriste. Sans aucune subvention publique, avec seulement quelques sponsors privés, le budget des RICA est minuscule, 42 millions de francs CFA (environ 64.000 euros).
« Mais cela nous a donné une belle énergie, les compagnies sont venues avec l’envie de donner, de partager », explique-t-elle. « Les artistes logent chez l’habitant, ils ont accepté de baisser leurs cachets, on se déplace en taxi ».
Elle espère bien pérenniser ce festival et organiser la deuxième édition l’an prochain.
Pour Rémy Bombled, de Cirk Biz’Art, « l’énergie est là, en Côte d’Ivoire, il manque juste une étincelle pour faire décoller le cirque ».