COCOFGUI / Mme Souadou BALDE, 2e Vice-Gouverneur de la Banque Centrale de Guinée : « Le Compendium va contribuer significativement à l’autonomisation des femmes »
Un entretien exclusif à Conakry (Guinée) de Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse
AfricaPresse.Paris (APP) – Vous participiez tout récemment à Conakry au lancement du Compendium des Compétences Féminines de Guinée (COCOFGUI), un événement auquel vous avez apporté votre soutien. Quels avantages le Compendium peut-il apporter concrètement à la promotion des femmes ?
Mme Souadou BALDE – Les initiatives et réformes visant à promouvoir l’autonomisation des femmes ont connu des évolutions positives, en grande partie en réponse à la reconnaissance du rôle vital des femmes dans le développement. Ces efforts sont alignés sur des objectifs tels que l’égalité des genres conformément au Plan d’Action de Beijing 1995 et à la Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité.
Le Compendium des Compétences Féminines de Guinée (COCOFGUI) est une initiative clé en ce sens, visant à favoriser la participation des femmes dans des rôles administratifs et électifs. Lorsque cette initiative sera pleinement opérationnelle et que ses objectifs seront atteints, elle contribuera significativement à l’autonomisation des femmes et des jeunes filles.
APP – Cette « plateforme numérique », importée de Côte d’Ivoire, peut-elle constituer un plus pour l’économie ?
Mme Souadou BALDE – Lancée par Mme Aïcha Nanette Conté, ministre de la Promotion féminine, de la Protection de l’Enfance et des Personnes vulnérables, le Compendium des compétences féminines de Guinée (COCOFGUI) est inspiré par le succès du Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (COCOFCI), conceptualisé par Mme Euphrasie Kouassi Yao et celui-ci a montré des résultats prometteurs.
La possibilité d’importer cette « plateforme numérique » en Guinée est une perspective encourageante, étant donné que les deux pays partagent des caractéristiques similaires et appartiennent à la CEDEAO. Le succès du COCOFCI, où plus de 15 000 femmes, soit 67 %, sont proches de cette initiative, est un exemple inspirant pour le COCOFGUI. Il y a donc une opportunité pour que cette plateforme numérique contribue de manière significative à l’autonomisation des femmes en Guinée.
APP – Deux ans après l’arrivée au pouvoir du Colonel Mamadi Doumbouya, comment se porte l’économie en cette période de Transition ?
Mme Souadou BALDE – Le discours du Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée, Dr Karamo KABA, lors de la présentation de la Loi de Finances Rectificative (LFR) pour l’exercice 2023 devant le Conseil National de la Transition, offre un éclairage précis sur l’état de l’économie guinéenne. Il est à noter que le changement de régime du 5 septembre 2021 est survenu dans un contexte mondial de crise, marqué par la pandémie de la COVID-19.
Cette crise a été amplifiée par la guerre russo-ukrainienne en février 2022, avec des répercussions sur l’économie mondiale, notamment des perturbations dans le commerce international, l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des produits pétroliers. Ces facteurs ont contribué à une inflation élevée et à des resserrements des conditions de financement à l’échelle mondiale.
Malgré ces défis, l’économie guinéenne a démontré sa résilience grâce aux mesures mises en place par le gouvernement. Elle a connu une croissance soutenue, notamment grâce à la production minière et aux projets d’infrastructures. La situation économique est plus favorable que prévu, cela malgré des circonstances mondiales défavorables.
« La banque se doit avant tout de maîtriser
l’inflation et de stabiliser le taux de change »
APP – À la tête d’une institution capitale pour les finances et l’économie du pays, quelles sont les priorités pour cette « refondation » de la Nation ?
Mme Souadou BALDE – En tant que 2e vice-gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée, nos priorités pour la « refondation de la Nation » se concentrent sur plusieurs domaines essentiels. Nous cherchons tout d’abord à maintenir la stabilité économique en maîtrisant l’inflation, en stabilisant le taux de change et en consolidant le système financier. Ces mesures sont cruciales pour créer un environnement favorable à la croissance économique.
Parallèlement, nous visons à renforcer le secteur financier guinéen en encourageant l’accès aux services bancaires, en promouvant l’inclusion financière et en soutenant le développement des marchés de capitaux.
Enfin, une gestion prudente des réserves de change est au cœur de nos priorités pour faire face à d’éventuels chocs externes et maintenir la stabilité financière.
APP – Comment se porte la Banque Centrale et quels sont les grands chantiers de la nouvelle Guinée ?
Mme Souadou BALDE – La Banque centrale de la République de Guinée est engagée dans un ensemble de réformes essentielles pour renforcer la solidité et la stabilité du système financier. Ces réformes visent notamment à augmenter le niveau du capital des banques, des institutions de micro-finance et des sociétés d’assurance, à élaborer de nouvelles réglementations et lois pour ces institutions conformément aux normes de Bâle II & III et aux normes IFRS9. De plus, des mesures sont prises pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, y compris la rédaction des procédures de contrôle et des textes d’application de la loi.
Dans le domaine de la politique monétaire et des changes, la Banque Centrale renforce son rôle en tant que prêteur en dernier ressort en créant un cadre de collatéral avancé et un cadre d’Apport de Liquidité d’Urgence (ALU) pour le système bancaire. De plus, des efforts sont faits pour améliorer l’accès au crédit en réduisant l’asymétrie d’informations entre prêteurs et emprunteurs. Un taux d’usure est également fixé pour protéger les emprunteurs contre des taux d’intérêt excessifs.
APP – Et des mesures concrètes ont été prises ?
Mme Souadou BALDE – La mise en place d’une Bourse des Valeurs Mobilières vise à diversifier les sources de financement de l’économie. La digitalisation des opérations de change est en cours, avec la création de front, middle et back offices. De plus, l’obligation de rapatriement des devises issues des exportations est étendue, et des efforts sont faits pour améliorer la qualité des données économiques, notamment par l’adoption d’un nouvel indice harmonisé des prix à la consommation.
Ces réformes couvrent également les domaines de la supervision des institutions financières et du système de paiements, soulignant l’engagement de la Banque centrale envers la modernisation et la stabilité du secteur financier guinéen.
« Le nouveau pouvoir a mis fin
aux pratiques anciennes de corruption »
APP – Comme nombre de pays africains, la Guinée est confrontée de longue date à une corruption endémique, mais n’y a-t-il pas déjà des signes d’un véritable changement ?
Mme Souadou BALDE – Au pouvoir depuis septembre 2021, le CNRD a clairement affiché son engagement envers la moralisation de la vie publique. Cette démarche s’articule autour de cinq valeurs visant à mettre fin aux pratiques anciennes. La création de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) s’inscrit dans cette optique, avec de nombreux dossiers en cours d’instruction ou en jugement.
De plus, la surveillance des institutions financières a été renforcée avec la mise en place de dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT). Ces mesures, combinées à un exercice accru de transparence et de redevabilité, s’appliquent à tous les responsables de l’administration publique et constituent des éléments clés dans la lutte contre la corruption.
APP – Comment arriver à une meilleure Gouvernance pour équilibrer les comptes de la Nation ?
Mme Souadou BALDE – Pour parvenir à une meilleure gouvernance visant à équilibrer les comptes nationaux, il est essentiel de prendre en considération les développements significatifs récents en Guinée. Le passage du pays de la catégorie à revenu faible à celle de revenu intermédiaire de la tranche inférieure en juillet 2023 constitue une opportunité clé pour mobiliser des financements en vue de favoriser la croissance économique. Cette transition, couplée aux activités d’exploitation du projet Simandou, ouvre la perspective d’une croissance économique dépassant les 6 % au cours des prochaines années.
Sur le front des finances publiques, on peut s’attendre à une augmentation significative des recettes de l’État. Cela découle de la mise en œuvre de mesures de dématérialisation des opérations fiscales initiées par les autorités budgétaires, lesquelles devraient non seulement améliorer l’efficacité des processus fiscaux, mais aussi augmenter la collecte des recettes fiscales. En outre, il est crucial de poursuivre la dématérialisation du processus de préparation du budget et de renforcer le suivi de l’exécution des dépenses des services déconcentrés. Cela contribuera à une gestion plus efficace des dépenses publiques, tout en veillant à un déficit budgétaire soutenable, limitant ainsi le recours au financement du budget par la banque centrale.
Enfin, l’entrée en vigueur de la mesure de rapatriement des recettes d’exportation est une étape significative qui permettra à la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) de mobiliser des réserves adéquates, contribuant ainsi à l’équilibre des comptes extérieurs du pays. Il est crucial que cette mesure soit mise en œuvre avec succès, car elle renforcera la position financière de la BCRG et contribuera à la stabilité économique globale du pays.
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