Le nord du Mozambique en état de siège
C’était une bourgade paisible de l’extrême nord du Mozambique. Sans nom et sans histoires. Jusqu’à ce que la semaine dernière, les « islamistes » la prennent pour cible et y sèment la mort et la destruction. Depuis, Macomia vit en état de siège.
« On ne dort plus », confie cet habitant qui tait son nom par peur des représailles. « On reste éveillés toute la nuit pour se défendre, on ne sait pas quand ils vont s’en prendre à nos maisons ».
Pour toute protection, il arbore fièrement un arc et quelques flèches de bois taillés de sa main. « Je défends ma famille contre ses sales types », assure l’homme, « si j’en touche un avec une flèche, il mourra car j’y ai mis du venin de serpent ».
Son arme artisanale paraît bien dérisoire face à la foudre qui s’est abattue sur la région.
Dans la nuit du 4 juin, des hommes armés de machettes ont fondu sur le village de Naunde, près de Macomia. Ils y ont tué sept villageois et incendié plus d’une centaine de maisons.
Deux jours après, au moins cinq autres personnes sont mortes dans les mêmes circonstances dans un autre hameau, Namaluco.
Pour la population comme pour la police, aucun doute. Les auteurs de ces attaques font partie des « shabab » (« jeunes » en arabe), ce groupe de jeunes musulmans radicaux qui fait régner la terreur depuis des mois dans la province du Cabo Delgado, à la frontière avec la Tanzanie.
Ces shabab se sont fait connaître en octobre en occupant pendant deux jours la ville de Mocimboa da Praia. Ils se cachent depuis dans les épaisses forêts de la région et mènent des raids meurtriers contre la population, au nez et à la barbe de la police.
– Renforts –
Ces dernières semaines, leurs opérations se sont nettement intensifiées. En nombre comme en violence. Fin mai, dix de leurs victimes ont été retrouvées décapitées.
« Ce sont nos propres enfants qui mènent ces attaques », affirme un vieil homme en faction devant un magasin de Macomia. « On connaît leurs familles. Ils ont vendu leurs maisons et échoppes, ils ont pris le maquis et se sont mis à tuer des innocents », ajoute-t-il, « on leur a promis de l’argent pour le faire ».
Cible des dernières attaques, la région de Macomia a pris aujourd’hui des allures de camp retranché.
Le gouvernement y a décrété un strict couvre-feu. « A partir de 21 heures, plus personne ne marche dans les rues. Seules les patrouilles militaires peuvent le faire », assure un garde privé en faction devant la seule maison d’hôtes du district.
A la nuit tombée, l’armée prend ostensiblement position en ville. Lourdement armés, ses soldats protègent la banque, la station-service, le transformateur électrique, les commerces…
Mais ce déploiement de force n’a pas rassuré la population. « C’est un conflit militaire. Nous ne savons pas quoi faire (…), plus personne ne ferme l’oeil », se plaint Hassan Rabuma, le chef local du parti au pouvoir, le Frelimo. « Nous sommes sans défense », insiste-t-il, « il nous faut des armes ».
Pire, l’armée et de la police ont procédé à des vagues massives d’arrestations contre les soutiens présumés des « insurgés » qui inquiètent. Sous couvert de l’anonymat, des habitants ont rapporté à l’AFP des cas troublants de « disparitions ».
« Nous pensons que de nombreux innocents ont été tués et enterrés dans des fosses communes », affirme l’un d’eux.
– « Disparitions » –
« L’armée est furieuse à cause de ces attaques. Tous ceux qui sont soupçonnés de collaborer avec leurs auteurs, en leur fournissant de la nourriture ou des informations, ont été arrêtés. Et souvent, ils disparaissent », poursuit le même homme.
« C’est la guerre », répond un militaire, laconique. « On +nettoie+ beaucoup de ceux que l’on retrouve en forêt ».
Contacté par l’AFP, le porte-parole local de la police, Augusto Guta, s’est refusé à tout commentaire sur ces allégations.
La police a confirmé avoir arrêté plus de 300 personnes depuis les attaques d’octobre. La procureure générale du pays, Beatriz Buchili, a précisé fin avril que 133 d’entre elles attendaient en détention le début de leur procès.
Parmi elles, des femmes. Des témoins ont confirmé à l’AFP leur présence parmi les shabab qui ont attaqué Macomia. Elles assureraient le ravitaillement du groupe.
« Des femmes ont été arrêtées et conduites à Pemba (la capitale provinciale) pour avoir fourni de la nourriture aux combattants. Puis elles ont été libérées », rapporte un habitant. « Une fois rentrées, elles ont disparu », ajoute-t-il, « elles sont sûrement retourné dans la forêt pour aider leurs maris ».
Dans les rues de Macomia, le climat a tourné à la chasse aux sorcières, regrettent des habitants.
« Ici au village, si vous êtes surpris en train de vendre du pain en grandes quantités, on vous soupçonne tout de suite de vouloir le livrer aux assaillants et vous risquez d’être arrêté », se plaint une femme qui vend du maïs au marché local.
Pour fuir ce climat de peur et de suspicion, de nombreux villageois ont préféré prendre la fuite. Direction la côte de l’océan Indien, toute proche. Avec l’espoir d’y trouver la sécurité.
Izf